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Nous, spécialistes de l’enfant et de la petite enfance, tenons à rappeler les spécificités du développement de l’enfant et de l’importance des premières années et des premiers mois dans la construction du « petit d’homme » et quels sont les besoins de celui-ci, afin que cette boussole soit conservée et que l’intérêt de l’enfant soit respecté.
Le nourrisson et l’enfant sont un être humain dans la phase de développement du cerveau la plus rapide et la plus importante de toute la vie, tout événement peut avoir un impact à long terme, les premiers mois et les deux premières années sont le siège d’intenses remaniements cérébraux sous l’influence de l’environnement, toute perturbation va avoir des conséquences. Les réseaux neuronaux non stimulés seront éliminés, une carence environnementale va pénaliser le développement et faire perdre des chances à l’enfant.
Le bébé humain naît à un terme qui est un compromis entre immaturité et donc grande vulnérabilité et dépendance et la capacité d’apprentissage d’un cerveau en construction. La plupart des animaux naissent à un stade de maturation et d’autonomie bien plus grand mais le corollaire est une moindre capacité d’apprentissage de diversification et d’adaptation.
A la naissance le bébé a crucialement besoin de l’adulte en général et de sa mère en particulier qui va assurer sa survie tant biologique qu’affective et va lui prodiguer soins et protection mais aussi l’éveiller à la relation et l’élever (au propre et au figuré).
Il est vital que le bébé reconnaisse sa mère dans l’environnement et en la reconnaissant lui donne envie de s’occuper de lui.
Durant la grossesse tous les sens se mettent en place, le bébé entend et apprend les bruits du cœur, la voix et le phrasé de sa mère, il baigne dans le liquide amniotique qui possède les molécules aromatiques de la mère : il apprend son odeur. Seule la vision n’est pas active in utéro, elle démarre à la naissance, mais il existe un dispositif de reconnaissance des faciès humains « pré-câblé ». A la naissance, le bébé voit flou, mais la zone la plus nette est autour d’environ 30 cm de son visage, il distingue les contrastes et est attiré par les visages (deux yeux, un nez, une bouche dans un ovale).
La naissance est un orage sensoriel, un bouleversement biologique le bébé doit s’adapter à la vie extra utérine, la seule chose qui va pouvoir l’aider c’est d’être avec sa mère qu’il connait , va le rassurer et assurer sa survie biologique et psychique.
Si tout se passe bien le bébé est mis dans les bras de sa mère dont il reconnaît la voix et l’odeur, il ouvre les yeux et voit son visage, en 24 à 48h il apprend à reconnaître son visage même en l’absence de son et d’odeur…
Tout cela suppose que le visage soit visible dans son entier….
Progressivement, à partir du deuxième mois le bébé voit de moins en moins flou et vers six mois voit aussi net qu’un adulte… pendant tout ce temps il va regarder, écouter et essayer de reproduire les mimiques puis les sons, il s’entraîne, met en relation la bouche émettrice et le son émis, faire des vocalises, explorer les sons…. Pour que le langage se mette en place il faut voir, reproduire, écouter, mettre en relation, c’est pourquoi le port du masque par les intervenants auprès des nourrissons et des jeunes enfants risque d’entraîner une distorsion cognitivo-perceptive et, on peut le supposer des troubles des apprentissages du langage.
Mais d’autres difficultés sont également à prendre en compte dans le développement de l’enfant. En effet, le port du masque vient altérer la communication non verbale qui résulte de la communication corporelle, pourtant fondamentale pour le bébé ou le jeune enfant pré-verbal puisque pour comprendre, bien avant que de pouvoir accéder au sens des mots, il se réfère à la communication corporelle de l’autre : expression du visage, sons, intonations de voix et tous ces détails dont est il est friand en tant qu’expert de communication non verbale, et qui lui apportent de nombreuses précisions pour bien comprendre la nature du message.
Le priver dans cette ressource primordiale le prive d’une bonne compréhension de ce qu’il peut vivre au quotidien, qu’il s’agisse du monde environnant, comme ce qui lui appartient plus précisément (besoins physiologiques, ressentis, émotions…).
Cette privation peut entraîner un sentiment d’insécurité, sécurité pourtant fondamentale au bon développement de l’enfant.
Cette privation peut également entraîner diverses frustrations et notamment celle de ne pas comprendre ou de ne pas être compris (en lien avec une communication globale altérée), pouvant à son tour mettre en difficulté la relation avec l’adulte ou avec les autres enfants de la collectivité.
Aujourd’hui, grâce aux nombreux travaux de recherches en neuro-sciences pédiatriques, nous savons que tout stress, lorsqu’il se présente de manière prolongée et répétée, peut entraver le bon développement cérébral de l’enfant et venir impacter son développement général sur le plan émotionnel, relationnel, cognitif.
Enfin, le port du masque prolongé chez l’adulte référent ne permet pas à l’enfant d’avoir accès à la mimique et donc au décodage des émotions de la personne qui s’occupe de lui.
Au delà de la difficulté de compréhension du message et la réponse inadaptée qui peut en découler, pouvant desservir la relation, le jeune enfant ne peut également bénéficier de l’apprentissage autour des émotions qui s’appuie essentiellement sur l’observation et le mimétisme, tout comme l’apprentissage du langage oral.
Alors qu’il s’agit d’une période cruciale pour le développement cérébral et émotionnel, le jeune enfant privé d’une partie de cette communication sensorielle, se voit à son tour privé de sa maturation émotionnelle, pourtant essentielle à son bon développement, dans son entièreté, et à son bien-être.
Dr Marie Fabre Grenet – Pédiatre
Cynthia Desmoyers – Infirmière – Consultante développement sensori-moteur et émotionnel de l’enfant
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