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«Le Covid-19 n'est pas une maladie pédiatrique, pourtant les enfants ont été impactés par toutes les conséquences négatives du port du masque.» Robert ATANASOVSKI / AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE - Les enfants ne sont plus soumis au port du masque dans les écoles à compter du 14 mars. Le Collectif National des Orthophonistes de France s'en félicite et demande la levée de l'obligation dans tous les lieux qui accueillent des enfants, y compris les établissements médico-sociaux.
Le Collectif National des Orthophonistes de France (collectifnationaldesorthophonistes@protonmail.com) regroupe près de 200 orthophonistes de terrain, engagés dans la prévention des difficultés et troubles de la communication, du langage et des fonctions oro-myo-faciales en lien avec les mesures sanitaires liées à la Pandémie de Covid-19.
Le Collectif National des Orthophonistes de France se réjouit de la levée de l’obligation du port du masque dans les lieux de vie et particulièrement dans les écoles et les crèches, berceaux des apprentissages. Néanmoins, il déplore que les établissements médico-sociaux ne soient pas concernés par cette décision, alors même que le public qu’ils accueillent est impacté par toutes les conséquences négatives du port du masque.
Pourquoi le CNOF est-il particulièrement soulagé ?
Depuis le début de cette crise sanitaire, nous avons constaté dans nos cabinets d’orthophonie une dégradation de la santé des enfants. Les mesures sanitaires ont conduit à une aggravation des difficultés chez les enfants porteurs d’un trouble, entraînant une perte de chance majeure pour ces derniers. Nous voyons également émerger des difficultés chez des enfants qui, fragilisés par la situation, ne peuvent plus trouver dans leur environnement les appuis nécessaires à une entrée satisfaisante dans le langage et les apprentissages.
Aussi, forts du recul de deux ans d’épidémie, il paraît indispensable d’apprendre à vivre avec ce virus. Cela implique de reconsidérer prioritairement les avantages et les inconvénients des mesures sanitaires imposées aux enfants.
Si nous comprenons l’importance de limiter la propagation du Covid-19, nous constatons que le port du masque n’a pas été suffisamment efficace en France pour enrayer l’épidémie. Au vu de la circulation très forte du virus dans les écoles en janvier-février et de la mauvaise utilisation du masque par les enfants (masques régulièrement souillés, manipulés, mouillés, etc.) nous nous interrogeons sur le bénéfice réel de cette mesure.
Les sociétés de pédiatrie françaises l’ont répété : le Covid-19 n’est pas une maladie pédiatrique, les enfants n’étant pas concernés par les formes graves de ce virus. En revanche, le port du masque, la distanciation sociale, le manque d’interaction, la stigmatisation anxiogène générée par l’éviction des cas dits «contacts», le stress lié à la situation dans son ensemble ne sont eux, pas anodins pour la santé, les apprentissages et le niveau scolaire.
Nous devons donc prendre conscience de l’extrême importance du rôle de la bouche et du visage dans le développement du bébé et de l’enfant, mais aussi des interactions que les «mesures barrières» et les confinements ont drastiquement diminuées. Tous, nous devons encourager les enfants à entrer pleinement dans la relation à l’autre sans frein, sans masque.
Pendant presque deux ans, les enfants ont vu des adultes masqués parfois 8 à 10 heures par jour, à la crèche, à l’école et dans tous les lieux de vie publics ! Les enfants s’adaptent dit-on… En effet ils s’adaptent, mais à quel prix ?
Concernant la période de la petite enfance, la question du masque est indissociable de celle des conditions fondamentales au développement harmonieux du bébé. Avant 2 ans, l’enfant a besoin d’être en interaction privilégiée avec ses pairs mais aussi avec l’adulte. Ce dernier est son modèle, son référentiel cognitif et langagier, son miroir. Le bébé a aussi besoin de mobiliser pleinement son corps, son intelligence et sa proprioception. Avec son regard, il fait des dizaines d’allers-retours par minute vers la bouche et les yeux de la personne qui parle afin de coordonner ce qu’il entend avec ce qu’il voit et ressent. Il va ainsi mettre du sens sur les informations qu’il reçoit, assimiler les différents sons de la langue, connaître de plus en plus de mots et construire le lien entre les émotions, les mimiques et le langage.
Pour les enfants d’âge scolaire, le masque perturbe la construction des prérequis à la lecture et aux apprentissages en général.
Le Collectif National des Orthophonistes
Cela implique pour lui de bien entendre, de voir la bouche de l’adulte et même de pouvoir toucher son visage. Finalement, il est primordial de rappeler que chez le petit enfant, tout est à construire et qu’il ne peut s’appuyer sur ses savoirs pour compenser. C’est pour cela qu’il a besoin de mobiliser tous ses sens, tous ses outils.
Pour les enfants d’âge scolaire, le masque perturbe la construction des prérequis à la lecture et aux apprentissages en général. En effet, il diminue l’intelligibilité de la parole (étouffement de la voix par le masque), empêche de lire sur les lèvres pour remédier aux bruits environnants entravant l’apprentissage grapho-phonémique. Le masque entraîne une moins bonne perception kinesthésique associée au son produit et à la lettre écrite. Les enfants en plein apprentissage des phonèmes ne peuvent plus sentir que le [p] explose et ne peuvent plus voir la différence entre le [b] et le [d] sur les lèvres des professeurs. Le masque gêne aussi la prise des informations visuelles en réduisant le champ visuel et, pour ceux qui portent des lunettes, en créant de la buée. Beaucoup d’enfants ont d’ailleurs préféré abandonner leurs lunettes pour éviter ce désagrément. De nombreux parents et de professionnels nous rapportent ces mêmes constats.
De plus, le masque entraîne la persistance ou l’installation d’une respiration buccale responsable d’une sécheresse engendrant halitose et risque accru de caries. Il favorise également le maintien d’une déglutition infantile à un moment où l’enfant évolue naturellement vers une déglutition d’adulte. Ces impacts altèrent le développement physiologique de la sphère oro-faciale. En effet, lorsque la respiration est buccale, la langue est positionnée sur le plancher de la bouche et ne joue pas son rôle d’expansion de l’arcade supérieure. Par conséquent, le palais reste étroit et les dents avancent, ce phénomène étant accentué par la persistance d’une déglutition primaire.
Enfin, grâce aux neurosciences et à toutes les études qui ont été menées sur les enfants, nous savons que les échanges amputés d’un canal sensoriel nécessitent une mobilisation accrue des autres sens et donc un effort supplémentaire dans la communication. Les enfants porteurs d’un trouble ou d’un handicap sensoriel (surdité, cécité notamment) doivent mobiliser davantage leurs autres sens. Cela leur est très coûteux et entraîne régulièrement des retards de développement cognitivo-langagier nécessitant la mise en place d’un suivi pluridisciplinaire.
Partant de ces constats, nous considérons le masque – porté par l’adulte comme par l’enfant – comme un obstacle à la communication dès le plus jeune âge. Créant artificiellement des privations sensorielles, il place l’enfant en situation de handicap, le contraignant à mettre en œuvre divers moyens de compensation, dans un climat sanitaire peu serein.
En effet, le bébé ne peut plus toucher le visage de son interlocuteur. L’enfant entend moins bien, il n’a pas ou presque pas d’appui visuel pour comprendre le message et il ne voit pas les corrections d’articulation que l’adulte lui apporte. La lecture des émotions devient très difficile, notamment pour les émotions positives : les émotions que l’enfant perçoit en priorité avec un masque sont celles de la colère et de la peur. Par ailleurs, le tout-petit est privé de tous les jeux de bouche qui se mettent en place en relation duelle : grimaces, mimiques, etc. qui sont si importantes pour exercer et investir sa bouche.
Nous pensons que la balance bénéfices/risques
n’a pas été respectée et que le port du masque est incompatible avec un
développement harmonieux de l’enfant.Le Collectif National des Orthophonistes
Pour toutes ces raisons, nous pensons que la balance bénéfices/risques n’a pas été respectée et que le port du masque est incompatible avec un développement harmonieux de l’enfant, à un moment de sa vie où se produit justement ce qu’on appelle l’élagage synaptique. Ce terme fait référence au moment où le cerveau va sélectionner les connexions qu’il utilise le plus, au détriment de celles qu’il ne sollicite pas et qui vont disparaître progressivement.
Le Collectif National des Orthophonistes de France restera donc pleinement mobilisé pour que, lors des prochaines épidémies de Covid-19, les enfants scolarisés en milieu ordinaire ne payent plus le prix fort des mesures de politique sanitaire pour une maladie qui ne les concerne pas. Par conséquent, le Collectif poursuit ses actions pour que cessent définitivement les protocoles délétères en milieu scolaire.
Il œuvrera également pour que soit généralisée la suppression de l’obligation du port du masque à tous les lieux de scolarisation et de vie de tous les enfants, y compris ceux accueillis en établissements médico-sociaux. Étant les plus concernés par les impacts négatifs du masque sur les différentes sphères du développement, il est urgent que cette mesure soit levée pour eux aussi.
Enfin, nous voulons lancer un message d’espoir à tous les enfants qui aujourd’hui découvrent ou redécouvrent le visage de leurs camarades, de leurs professeurs, des adultes qui les entourent, car «Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire, – Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire, – Ses pleurs vite apaisés.» Victor Hugo.
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