Capacités cognitives et psychologiques relatives au traitement des visages chez l’enfant

Capacités cognitives et psychologiques relatives au traitement des visages chez l’enfant

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Hind LEDROIT, Psychologue spécialisée en Neuropsychologie.

L’attention conjointe

Dès la naissance, par le contact œil à œil, un regard est porté mutuellement du bébé vers l’adulte. Voici la première forme d’échange médiatisée par l’attention visuelle ici partagée, qui crée un premier espace d’intersubjectivité, en association avec des sourires, gestes, vocalises.
Elle serait le précurseur de la cognition sociale (Mundy & Newell, 2007). Au fil du temps cet échange mature, se complexifie avec l’imitation, le suivi de regard, le pointage pour créer un espace triadique. C’est ce qu’on appelle aussi l’intersubjectivité secondaire (Aitken &Trevarthen, 1997 ; Gratier, 2001 ; Trevarthen & Aitken, 2003). Elle inclut dans les échanges une personne supplémentaire, ou un objet, ou encore un événement : nous voici alors dans
une attention visuelle qui est conjointe. L’adulte et l’enfant regardent ensemble un troisième élément d’intérêt.

L’attention conjointe s’enrichit avec cette compréhension que les autres ont un but, un désir, une pensée, des états émotionnels. C’est la dimension mentaliste de l’attention conjointe où s’illustre l’intentionnalité d’autrui. Le partage d’intention et le langage s’installent alors pour ouvrir la voie vers les théories de l’esprit.

Ainsi, l’attention visuelle conjointe est une compétence socio-cognitive qui tient une place particulièrement importante dans la construction d’un premier espace de rencontre entre sujets, nécessaire à la communication. Par conséquence, elle déterminerait nos compétences à échanger avec les autres, à se décentrer, et plus largement à vivre en société.

 

Le développement de la reconnaissance des visages chez l’enfant.

En psychologie du développement, il est admis que la capacité à reconnaître et à traiter les visages s’améliore considérablement entre l’enfance et l’âge adulte (Pascalis et al., 2005).

Carey (1992) a qualifié les capacités de reconnaissance des visages d’enfants de « profondément déficientes » comparées à celles de sujets adultes. Ceci témoigne de l’immaturité des fonctions de reconnaissance des visages chez l’enfant, c’est un processus d’acquisition qui se développe au cours de l’enfance. En effet, ces différences développementales entre l’enfant et l’adulte s’expliquent essentiellement par une augmentation des capacités mnésiques ou d’autres capacités perceptuelles ou cognitives plus générales, comme l’attention par exemple.

La reconnaissance des traits interne du visage, tels que les yeux, le nez et la bouche constituent le noyau de la reconnaissance configurale, alors que les traits externes, tels que le menton, la raie et les oreilles, sont identifiés comme étant des éléments individuels.

Mondloch et al. (2002) ont développé une batterie de visages (Janes faces) qui diffèrent soit par des altérations portées au niveau de ces éléments (yeux, bouche, nez), soit par des transformations au niveau de la configuration de ces éléments (les yeux peuvent être plus ou moins écartés, etc.).
La conclusion de cette étude met en avant que des visages ainsi transformés sont difficiles à discriminer avec des performances plus faibles pour les enfants de 6 ans en comparaison des enfants âgés de 10 ans.

 

Les expressions faciales émotionnelles chez l’enfant.

Les expressions faciales émotionnelles se définissent comme le principal moyen non verbal d’expression des émotions (Fusar-Poli et al., 2009) et s’avèrent indispensables au bon fonctionnement des rapports humains. Les études portant sur la reconnaissance des émotions chez l’enfant indiquent que les compétences de décodage ou de discrimination des expressions faciales émotionnelles se développent tout au long de l’enfance.

Ces expressions agissent sur deux versants, expressif et réceptif (Mondillon & Tcherkassof, 2009).
Au niveau expressif, les expressions faciales émotionnelles agissent sous la forme d’une manifestation d’états internes de nature affective (Clouet, 2009).

Elles agissent également au niveau réceptif, en informant sur la qualité de l’émotion, alors que les autres indices corporels, tels que les gestes et postures, dévoilent davantage l’intensité émotionnelle et les affects toniques (Cosnier, 2008).

 

Les neurones miroirs et leurs implications dans la reconnaissance des émotions.

Les neurones miroirs s’activent à la fois lorsqu’un individu effectue une action mais également lorsqu’il observe cette même action chez autrui (Gallese, 2001 ; Mondillon & Tcherkassof ; 2009). Il est alors admis que la capacité à reconnaître les actions d’autrui repose sur l’implication des systèmes de représentations de nos propres actions.

Ainsi, la perception d’une action active, dans le cerveau de l’observateur, une représentation similaire à celle qu’il aurait formée s’il avait lui-même exécuté cette action (Berthoz, 1997).

Par ailleurs, selon ses emplacements anatomiques, le mécanisme miroir jouerait un rôle aussi bien dans l’imitation et la parole, que dans la compréhension de l’action, de l’intention et de l’émotion (Fabbri-Destro & Rizzolati, 2008). En effet, la reconnaissance d’une expression émotionnelle impliquerait d’autres processus que la simple catégorisation géométrique de l’expression faciale (Niedenthal, 2007). Elle nécessiterait une stimulation interne de ce même comportement basée sur un imitation inconsciente.

Les découvertes sur les neurones miroirs ont donc permis de postuler que le fait d’être témoin d’une expression faciale émotionnelle active implicitement le même circuit neuronal que celui activé lorsque l’observateur est soumis à cette même réaction émotionnelle (Mondillon & Tcherkassof, 2009).

Par conséquent, la discrimination des expressions faciales émotionnelles donne lieu, chez l’observateur, à l’activation de muscles sous-tendant la production de ladite expression.
Cette activation spontanée, mesurable par des techniques d’élctromyographie, est indépendante de processus cognitifs conscients. (Dimberg, Thunberg & Elmehed, 2000 ; Gallese, Keysers, & Rizzolatti, 2004).

 

Le développement de la parole, l’importance du canal visuel.

La perception qu’elle soit visuelle ou auditive, joue un rôle primordial dans l’apparition de la parole. Les patrons sonores et visuels des réalisations environnantes, mais aussi les retours auditifs et proprioceptifs de ses propres réalisations, vont permettre au bébé d’établir un lien entre le geste articulatoire à réaliser, son timing et son résultat acoustique (Vihman, 1993).

C’est le principe d’imitation, le mécanisme d’apprentissage le plus efficient chez l’être Humain. L’enfant reconnaît et apprend les unités de sa langue parce qu’il entend, parce qu’il voit et qu’il a une spécialisation neurale qui relie ces stimuli à l’information référentielle (Locke, 1993). Mais au-delà de ça, le système perceptif lui permet d’établir un lien entre les réalisations acoustiques, les organes orofaciaux qui entrent en jeu et les gestes à réaliser
(Guenther, 1995).

Cette opération serait possible parce que l’information acoustique et/ou visuelle aiderait à spécifier l’action à effectuer grâce au système neuronal miroir. La perception et l’action seraient les composantes d’un système unique qui s’influencent mutuellement (Studdert-Kennedy, 1985, 2000 ; Schwartz, 2001).

 

L’importance du sourire dans les interactions.

L’importance du visage dans la communication est significative car il permet dès le premier contact, d’exprimer ses émotions. La première impression et le jugement qu’un individu se fait au cours d’une nouvelle rencontre ont tendance à influencer ses sentiments futurs à l’égard de l’autre ; son opinion initiale demeure et même se consolide au fil du temps.

Le visage et ses expressions jouent donc un rôle essentiel dans l’établissement du lien puisqu’ils sont les premiers éléments observés.

Les recherches d’Haggard et Isaacs (1966) traitant des indications de communication non-verbale ont conclus que les micro-expressions d’un visage ne durent qu’une fraction de secondes et indiquent souvent les sentiments réels d’une personne. Plus précisément, le sourire est l’expression la plus universelle et la plus positive ; il indique différents niveaux de plaisir, de contentement ou d’amusement.

D’après Emiliana Simon-Thomas, neuroscientifique et Dacher Keltner, professeur en psychologie de l’Université de Californie à Berkeley, il existe six types de sourire qui ont chacun une fonction particulière.

 

Au niveau cérébral, interagir avec une personne souriante entraîne une activation orbito- frontal, zone du cerveau liée à la satisfaction, permettant ainsi un meilleur encodage du fait de la motivation engendrée par la satisfaction (Rulicki, 2013).

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